Interviews de Rose Lecat
Rose Lecat : retour sur le fotofever prize
Suite à l’interview d’Alain Polo Nzuzi, Rose Lecat, photographe Lauréate en novembre dernier de la deuxième édition du fotofever prize with Dahinden, revient à son tour sur son actualité récente.
Tu as été lauréate du Fotofever Prize with Dahinden en 2019. Qu’est-ce que ce prix t’a apporté ?
Le prix m’a apporté une visibilité sur un travail documentaire qui n’aurait pas forcément trouvé sa place en galerie. J’ai pu avoir de nombreux échanges et retours avec le public du salon Fotofever et des voix off d’Arles.
Ce projet « À la frontière des montagnes » s’inscrit dans un projet plus vaste sur le thème de l’immigration débuté il y a plusieurs années. Peut-être que ce prix me permettra de trouver un éditeur afin de partager ces récits de vie à travers mes photographies et les paroles des personnes rencontrées.
Quels sont tes projets actuels et à venir ?
Je travaille actuellement sur plusieurs projets photographiques au long cours. L’un deux est un travail sur un foyer de travailleurs sans-papiers maliens. C’est un projet participatif qui questionne l’identité et les droits des immigrés, notamment la régularisation des sans-papiers à travers le code du travail en France.
Pendant la période de confinement, on a vu fleurir beaucoup d’initiatives culturelles sur internet. Quelles sont celles que tu as particulièrement appréciées, que tu conseilles, ou qui t’ont inspiré ?
Il y a eu les ventes aux enchères caritatives en faveur du milieu hospitalier comme “Photographes unis face au covid-19” dont les bénéfices ont été reversés à la Fondation de France, dans le cadre de son action conjointe avec l’Institut Pasteur et l’AP-HP “Tous unis contre le virus” ou l’association SAATO qui a appelé des street-artistes à créer des œuvres au profit de l’AP-HP avec le « festival d’art urbain confiné ».
Mais aussi le projet « Campus-19 Art For Solidarity » à Bordeaux qui a lancé sur une page Facebook une vente de ses œuvres originales au profit des étudiants en galère.
Pendant cette période de confinement, des jeux participatifs ont permis de garder un lien entre les gens comme le projet « L’échappée belle » du théâtre du Chatillon, ou le dessin participatif via twitter « #Coronamaison » lancé par l’autrice de BD Pénélope Bagieu.
Le confinement a aussi mis en valeur et amplifié les pratiques alternatives d’accès à la culture, comme celles des visites virtuelles des musées ou la mise en ligne des captations de spectacles des éditions passées comme le Festival d’Avignon qui n’aura pas lieu en 2020.
Et puis dans ce contexte où le secteur de la culture a été particulièrement touché par la crise sanitaire, il y a ResiliArt, une nouvelle initiative culturelle de l’UNESCO lancée à l’occasion de la journée mondiale de l’art, le 15 avril 2020. Le premier débat à aborder des questions urgentes affectant les moyens de subsistance des professionnels de la culture et l’intégrité du secteur culturel y compris les droits sociaux et économiques des artistes, la protection du droit d’auteur, la numérisation de contenus et la liberté d’expression.
Ton travail est le reflet de paroles et de témoignages que tu recueilles. Pendant la période de confinement, as-tu recueilli des paroles particulières ? As-tu envie de recueillir de nouvelles sortes de témoignages ?
Pendant le confinement, j’ai axé mon travail sur la Seine-Saint-Denis, vivant moi-même dans ce département. Il a été l’un des départements le plus touché par l’épidémie, notamment les communes d’Est Ensemble. Dans ces paroles que j’ai pu recueillir, le sentiment qui apparaît clairement est celui de l’abandon. Sur des terrains très divers, comme un foyer de travailleurs sans-papiers, un campement de demandeurs d’asile ou un quartier HLM, les gens se sentent seuls, leur situation est encore plus critique qu’avant le confinement. Heureusement beaucoup d’initiatives solidaires citoyennes ou associatives se sont développées.
L’impossibilité de voir certaines personnes sur le territoire français, mais également la fermeture des frontières pour beaucoup de pays ont bien sûr remis en question la prise de témoignage dans mes projets photographiques. Le confinement m’a fait également prendre conscience de l’importance de la communication avec son pays d’origine pour ces personnes expatriées. Nous réfléchissons actuellement à travers des ateliers, à mettre en place un système de correspondance avec les familles et les amis restés aux pays.
Fotofever prize with Dahinden : retrouvez sur la page Linkedin de fotofever l’interview de Julia Amarger, elle aussi Lauréate de l’édition 2019 de ce prix, qui avait remporté le prix du public.
Pour en savoir plus et présenter votre candidature pour la troisième édition du fotofever prize with Dahinden (jusqu’au 31 mai 2020 à minuit), rendez-vous sur le site de fotofever !
Fotofever prize with Dahinden : interview de Rose Lecat
Les trois lauréats du fotofever prize with Dahinden 2019, Rose Lecat, Julia Amarger et Alain Polo Nzuzi, se dévoilent en interview. Rendez-vous nombreux sur le site de fotofever pour voter afin de les départager. Le prix du public sera attribué à l’artiste ayant remporté le plus de voix.
Rose Lecat est la première d’entre eux à répondre à nos questions. Photographe indépendante depuis 2014, elle est membre du studio Hans Lucas. Les mouvements sociaux et l’immigration font partie de ses thèmes de prédilection.
Entretien avec Rose Lecat
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis photographe de documentaire social et de reportage. Je fais également de la gravure, de la peinture. J’aime expérimenter des techniques diverses d’expression.
Comment s’est développée votre passion pour la photographie ? Êtes-vous autodidacte ou avez-vous suivi une formation ?
Je pense que j’ai pris réellement conscience de la valeur et de l’impact de la photographie à l’École des Beaux-Arts de Rennes avec les cours d’histoire de la photo de Jacques Sauvageot et une conférence de Sabine Weiss. J’ai ensuite passé de longues heures dans la pénombre du labo noir et blanc dans le sous-sol de l’école à déconstruire des photos par le tirage ou à tirer les vieux négatifs qu’avait réalisés ma grand-mère dans sa jeunesse. Mais à l’époque j’utilisais plus le dessin, la peinture, le texte ou même le textile dans mes projets artistiques. Puis un an après l’obtention du diplôme, je suis descendue dans la rue et j’ai commencé à aller à la rencontre de personnes qui m’intriguaient et à tenter de comprendre et de raconter leur histoire.
Rapidement je me suis rendue compte que j’étais assez limitée par mon peu de connaissance technique en prise de vue, notamment des outils numériques, et j’ai donc suivi une succession de formations.
Comment avez-vous entendu parler de la deuxième édition du fotofever prize with dahinden ?
J’ai entendu parlé de la deuxième édition du fotofever prize with dahinden par le site web du magazine Fisheye.
Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Mes principales sources d’inspirations sont les expositions d’art et de photos, des films, des lectures et les gens que je rencontre.
Pourquoi avoir choisi cette série en particulier ? Est-elle représentative de votre approche de la photographie ? Quelles sont les émotions, le message que vous aimeriez faire passer à travers ces images ?
J’ai choisi cette série en particulier parce que je pense qu’elle représente bien une approche du documentaire vers laquelle je tends à travailler. Elle est accompagnée de témoignages des personnes qui ont tenté ou réussi la traversée. Ces paroles sont pour moi aussi importantes que les images. Le courage et la peur, la foi, l’espérance mais aussi le sentiment de solitude (malgré la solidarité dans les montagnes) que j’ai perçus dans ces récits, ont accompagné la création de ce travail photographique, et j’espère que les personnes qui verront ce projet se questionneront sur l’injustice de cette frontière fermée et peut-être même, se mobiliseront.
Rendez-vous sur le site de fotofever pour voter pour le lauréat de votre choix, et lui permettre de remporter le vote du public.
Clôture du vote le 15 octobre 2019 à minuit.