Une autre empreinte : interview d'Alain Delorme, Prix du public 2023
Notre série d’interviews des lauréats de la troisième édition d’Une autre empreinte - prix photo Dahinden se poursuit !
Aujourd’hui, nous rencontrons Alain Delorme. Photographe parisien, il s’intéresse aux dérives de la société de consommation et nous interroge sur nos modes de vie, développant un style aux frontières de l’imaginaire et de la réalité.
Suite à l'appel aux votes, Alain Delorme a remporté le Prix du public Une autre empreinte 2023 ! Sa série "Murmurations" sera exposée à Paris Photo du 9 au 12 novembre, stand H10.
Les œuvres d’Alain Delorme ont été exposées en Europe (à Paris, Berlin, Londres, Amsterdam, ou encore au festival Images de Vevey, en Suisse) et en Asie (notamment à Shanghai, à Tokyo et à Séoul).
- Comment vous présenteriez-vous ?
J’habite et travaille à Paris, j’ai été diplômé des Gobelins en 2001 et d’un master en photographie à l’université Paris VIII en 2005.
Dans chacune de mes séries photo, j'interroge sur notre société de consommation à travers le prisme d'une imagerie populaire que je détourne. Tout à fait réelle au premier regard, un détail de l'œuvre intrigue et amène ainsi à une nouvelle interprétation. Par exemple pour ma série Little Dolls, qui a obtenu le prix Arcimboldo en 2007 remis par l'association Gens d'Images, j'apposais sur une petite fille posant pour une traditionnelle photo d'anniversaire un masque de poupée Barbie. Ni tout à fait petite fille, ni tout à fait poupée, ni tout à fait femme, elle interpellait sur l'utilisation de l'enfant dans notre société de consommation, les concours de beauté pour enfants aux Etats-Unis et sur notre rapport à la beauté.
- Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Les autres artistes m'inspirent bien sûr : pour Little Dolls je pourrais citer Lawick et Müller ou Aziz et Cucher.
Le cinéma est également une source d'inspiration : pour Murmurations, je pourrais évoquer les oiseaux d'Hitchock et la fameuse séquence où le sac plastique danse dans le film American beauty.
Mais je reste avant tout un observateur de mon époque, j'adore observer le comportement des gens. Quarantine m'a été inspiré par le fait que les gens se précipitaient dans les supermarchés pour acheter des biens de première nécessité par exemple.
Icons raconte notre rapport compulsif et accéléré à l'image : si on jette un coup d'oeil rapide, on peut s'imaginer qu'il s'agit du portrait d'une personne. Si on prend le temps de regarder plus précisément, on réalise qu'il s'agit d'une hybridation de plusieurs portraits. Et bien sûr cela dépeint nos nouvelles idoles.
- Pourquoi avoir choisi cette série en particulier lorsque vous avez candidaté au prix ?
Ma série Murmurations-Ephemeral Plastic Sculptures raconte l'impact sur l'environnement de notre société de consommation.
Le point de départ de la série vient d'un constat que j'ai pu faire en voyageant dans de nombreux pays : au milieu de paysages reculés, il y avait toujours un sac plastique pris dans un branchage, un ruisseau, etc. Comme les oiseaux, les plastiques migrent. Au-delà de cette pollution visuelle, j'ai voulu parler plus largement de pollution plastique. Ce phénomène de plastification du monde. On parlait beaucoup à l'époque du 7e continent, cet amas de sacs plastiques invisible car dans l'océan. Le transposer dans les airs, c'était une façon de le rendre visible.
"Murmuration" est un terme anglais qui désigne ce phénomène de nuées d'étourneaux qui se produit au coucher du soleil, au moment où ils vont nicher. Au premier abord on voit cette imagerie populaire et bucolique. Quand on se rapproche, on réalise que les étourneaux sont en fait des sacs plastiques.
Dix ans après, on s’aperçoit malheureusement que le plastique est aussi dans l’air, je trouvais donc naturel de candidater avec cette série.
- Pouvez-vous nous parler des procédés photographiques utilisés pour cette série de photos ?
Je suis parti de l'objet de consommation par excellence : le sac plastique. En 2012, j’ai collecté une quinzaine de sacs plastiques qui étaient employés sur les marchés parisiens, très fins et qui s'envolent facilement. Il n’était pas encore interdit par la ville de Paris. Ce sac, objet qui est fabriqué en quelques secondes, que l'on utilise une vingtaine de minutes et qui va mettre des centaines d'années à disparaître.
Pour chaque image, j'ai pris en photo un sac différent que j'ai photographié environ 200 fois, en lui donnant une forme différente à chaque fois. J'ai ensuite détouré et ré-incrusté dans l'image chaque sac, que j'ai dupliqué à l’infini. sur chaque image. Il y a entre 10 000 et 100 000 sacs plastiques par image, ce fut un long travail, le plus dur étant de s'approcher au mieux des formes que réalisent les étourneaux. Pour les couchers de soleil, ils proviennent de mes voyages dans différents pays.
- L’exposition de vos œuvres et de celles des deux autres lauréats du prix photo Dahinden – Une autre empreinte aura lieu sur les quais de Seine, durant la Biennale Photoclimat (du 14 septembre au 15 octobre). Avez-vous d’autres projets ou expos à venir ?
J’expose ma dernière série, Citadelles, à la biennale de l’Image Tangible à Paris en novembre. Ce projet est une réflexion sur la relation de l’homme à son environnement. Je l'ai réalisé sur le littoral français au rythme des marées. Je disposais à chaque fois de deux heures pour créer chaque sculpture de sable avant que les flots ne l’emportent. J'ai travaillé avec le sable, ce matériau omniprésent dans nos sociétés modernes. Ressource naturelle non renouvelable, elle est la plus exploitée au monde après l’eau. Le titre Citadelles fait référence à la place forte, à la dernière ligne de défense des fortifications avant la chute de la place. Dans cette série, la menace est la montée des eaux, résultante du réchauffement climatique, mais raconte aussi l'épuisement des ressources à travers le sable.
Et sinon en 2024, j’exposerai mes Murmurations à Tartu (Estonie), qui sera capitale Européenne de la Culture. Ma série Quarantine sera quant à elle visible à la Kunsthalle de Karlsruhe.
Pour plus d’informations sur Alain Delorme et pour suivre son actualité, rendez-vous sur le site web du photographe !
Vous pouvez voter pour votre lauréat favori via ce formulaire afin de lui permettre de remporter une exposition de ses œuvres lors de la prochaine édition de Paris Photo, du 9 au 12 novembre prochains.
La série “Murmurations” sera exposée sur les quais de Seine dans le cadre de la deuxième édition de la Biennale Photoclimat, du 14 septembre au 15 octobre, et dans un des showrooms parisiens de notre partenaire Roche Bobois au printemps 2024.